Benoît Caranobe, un timide qui se soigne

Article paru dans LE GYMNASTE magazine (N°249 - Nov 2002)

Avec Laurent, ça se passe très bien aussi, mais c'est Djamel qui m'a amené jusqu'ici. Il a fait un boulot énorme avec moi". Un travail qui a pris la suite de Fontainebleau, où il est entré en sport -études en 1995. " On m'avait fait une proposition en 94, mais je voulais réfléchir avec mes parents. Je ne savais pas ce qu'était le sport-études " Alors, il a refusé et est resté un an de plus à Noisy-Le -Grand, où il a débuté la gym en même temps que son frère et sa soeur (ce sont des triplés) pour suivre leur aînée. Noisy, c'est un peu sa terre natale. Là où il a appris les gammes de la gymnastique, où Eric Stunault lui a enseigné les bases de ce qu'il sait faire aujourd'hui. Il aime y retourner pour s'entraîner avant les compétitions par club et fouler le même praticable que son frère Mathieu, qui matche en DN avec lui. " J'ai gardé de très bons contacts avec mes amis de Noisy. Ça me fait toujours plaisir d'aller m'entraîner avec eux, et de faire des compétitions avec mon frère ".

C'est à Patras que Benoît a fait son entrée en équipe de France, pOUr les championnats d'Europe. Déjà remplaçant aux Mondiaux de Gand, les sélectionneurs français lui ont donné sa chance après des championnats de France plus qu'encourageants (bronze au général, or au saut et aux parallèles). " Je ne partais pas pour cela au mols de janvier: Cédric était titulaire à Gand et je pensais qu'il le serait encore. Mais j'ai fait de meilleures sélections et on m'a donné ma chance ".

Une titularisation qui est une juste récompense pour le gymnaste français médaillé aux Universiades de Pékin en septembre 2001. Et quelle médaille, l'or au saut! Avec deux sauts d'exception: lune double avant et Tsukahara double carpé. "C'est mon meilleur souvenir: Je ne m'étais pas mes dans la tête à tout prix d'entrer en finale. Je voulais faire mon match pour l'équipe. En finale, je passais dernier les Chinois applaudissalent déjà leur gym. Au 2e saut, Ils me huaient. J'al cru qu'ils m'encourageaient ! J' Car c'était bien devant Yang Wei que Benoît venait de se placer grâce à son Tsukahara double carpé, saut qui part sur 10.00 points et qui est très difficile à régler! A tel point que seuls trois gymnastes de la finale mondiale l'ont tenté et pas toujours avec succès... Mais Benoît est un gymnaste très dynamique. Il le sait. Et c'est souvent par excès de jus qu'il pèche. "Je suis assez dynamique pour que ça passe, mais je me sens obligé de mettre tout ce que je peux, au point que je n'arrive pas toujours à gérer". A la barre fixe, par exemple, il n'a qu'un lâcher (Markelov) et base son mouvement sur les combinaisons techniques valorisées, ce qui le retient un peu de mettre trop de dynamisme Comme il pourrait le faire dans un gros lâcher. Au sol en revanche, il ne limite pas et débute par un back full tendu (double tendu en arrière avec vrille dans le second salto) : « Je n'essaye pas de m’adapter au code de pointage avec des enchaînements qui rapportent des dixièmes. J'aime un mouvement qui commence par une grosse acrobatie en arrière. Pour entrer en finale et faire partie des 8, ce n'est pas nécessaire, mais pour faire une médaille, oui. C’est cela qui fait la différence ». Il est vrai que le sol, discipline d'acrobatie par excellence, est peut-être un peu trop souvent le lieu de la recherche de bonifications par les séries en avant, au détriment de doubles rotations tendues vrillées, plus impressionnantes.

Cette prise de risque a un prix, d'un point de vue psychologique également. « J'ai du mal à me limiter. Je veux trop bien faire ». D'un naturel timide, Benoît pense que la gymnastique lui a permis de surpasser un peu sa peur de devoir se mettre en avant. Le suivi psychologique de Luc Guibert semble lui avoir beaucoup apporté dans ce domaine, notamment à Metz. La peur de tomber, la peur de rater ce que tous les jours il réussit à l'entraînement. Beaucoup de gymnastes connaissent cela. Pas la peur de chuter sur un élément précis, mais celle de ne pas réussir, globalement, celle qui assaille les gymnastes féminines à la poutre et les masculins aux arçons; peur de ne pas montrer sa vraie valeur; qui relève moins de la technique gymnique que de la confiance, qui a tendance à s'en aller au moment de lever le bras. « Aux arçons à l’entraînement je me libère et ça passe bien. Mais en compétition... c’est dur. Aux France, j'ai réduit, d’ailleurs. Le fait de savoir que je suis capable de faire quelque chose cela me fait peur. Mais j’ai fait beaucoup de progrès avec Luc. J’ai l’impression qu’il faut que je fasse beaucoup de compétitions pour que ça passe. Dim (Dimitri Karbanenko) ou Nemov, quand ils lèvent le bras, ils savent qu'ils vont réussir ». Nemov, justement, un des gymnastes qu'il estime le plus et qui l'impressionne « surtout depuis que je suis en compétitions contre lui. Il a la classe, une superbe ligne et une grande longévité. A 19 ans il fait 2ème à Atlanta, à Sydney, il fait champion Olympique et là Il revient et c’est encore le meilleur! ».

Une longévité qui l'impressionne mais qui le tente également : " Je pense continuer jusqu'en 2004 ou 2006. Si je suis bien physiquement je continuerais longtemps. Pour l’instant je vais m’impliquer à fond jusqu’aux Jeux. Je passerais mon BTS après. J’ai vraiment envie d'y arriver » .

NICOLAS BRUNET